🇫🇷 Tu ne manques pas de volonté. Ton corps manque de sécurité 🇬🇧 You do not lack willpower. Your body lacks safety.
Il y a des moments où tu te demandes ce qui ne va pas chez toi. Pourquoi tu recommences. Pourquoi tu sais que cela n’est pas bon pour toi, mais tu le fais quand même. Pourquoi la volonté ne suffit pas. Cela peut prendre la forme d’une dépendance émotionnelle, d’un attachement qui fait mal quand l’autre s’éloigne, d’une réaction de fuite quand tu ne veux que t’approcher. Cela peut aussi passer par le sucre, l’alcool, le travail, les écrans, le contrôle, le sexe, le sport, les substances, les achats, les réseaux, la nourriture, ou cette agitation intérieure qui ne te laisse jamais vraiment te poser. Les formes changent. Le mouvement est le même. Quelque chose en toi cherche à se rassurer à se calmer.
Tu essaies de te contrôler, de faire mieux, d’être plus fort·e, plus conscient·e, plus discipliné·e. Et pourtant quelque chose déborde. Ce texte n’est pas là pour t’apprendre à arrêter. Il est là pour t’aider à comprendre ce qui, en toi, cherche de la sécurité.
Pendant longtemps, j’ai cru que le problème venait de moi. Un manque de volonté. Un manque de maturité. Un manque d’estime de moi. Je savais analyser, comprendre, mettre des mots. Mais mon corps, lui, continuait à chercher des béquilles émotionnelles, des issues rapides, des apaisements immédiats, des anesthésiants discrets. Ce n’est que lorsque j’ai cessé de me battre contre ces gestes que quelque chose a commencé à se transformer. Quand j’ai accepté de les écouter, de les sentir, de les rencontrer dans le corps. C’est là que la Gestalt, le travail somatique et la régulation du système nerveux ont cessé d’être des idées pour devenir une expérience vécue.
La dépendance n’est pas un excès. C’est une réponse. Une tentative intelligente d’un organisme qui cherche à survivre. Le corps ne fonctionne pas à la motivation. Il fonctionne à la sécurité. Et quand cette sécurité n’a pas été suffisamment présente au début, le corps apprend à se débrouiller seul. Il fait quand il peut.
Les blessures d’attachement jouent souvent un rôle central. Quand l’amour a été trop exigeant, trop envahissant ou trop absent, le système nerveux reste en alerte. Il apprend que le lien peut se rompre. Que la proximité peut disparaître. Que l’autre est vital pour se sentir en sécurité. Plus tard, cela peut devenir une dépendance émotionnelle. L’autre devient un point d’appui, une régulation externe, une promesse de calme. Quand il s’éloigne, l’angoisse surgit. Pas par manque d’amour. Par manque d’ancrage intérieur.
La société nous a appris à croire que tout cela relevait d’un défaut personnel. Que si tu n’y arrives pas, c’est que tu n’as pas assez voulu. Que si tu t’attaches trop, c’est que tu es fragile. Ce récit est faux. Et il fait mal. Quand il a fallu s’adapter trop tôt, quand les émotions n’ont pas été accueillies, quand il a fallu porter les manquements des autres, le système nerveux développe des stratégies. La nourriture, le travail, les écrans, les relations, les substances. Ces comportements ne sont pas le problème. Ils sont la solution trouvée à l’époque pour se remplir et se sentir en sécurité.
Le grand malentendu consiste à vouloir supprimer la stratégie avant d’avoir créé la sécurité. C’est comme retirer une béquille sans avoir soigné la jambe. Ce qui transforme, ce n’est pas l’arrêt. C’est le retour de la présence.
Quand une pulsion arrive, quelque chose s’active dans le système nerveux avant même que tu puisses réfléchir. Pourtant il est tout à fait possible d’apprendre à réguler le système nerveux. Plutôt que de résister, tu apprends à sentir. La tension, la chaleur, l’agitation. Tu restes quelques secondes de plus que d’habitude. Puis tu offres au corps ce qu’il cherche vraiment. Pas une solution parfaite. Une micro-sécurité. Un appui. Un ancrage. Une respiration plus longue. Un contact. Une présence intérieure qui dit je suis là .
Peu à peu, le système nerveux enregistre autre chose. Il découvre qu’il n’est plus seul. Que l’adulte est présent. Que l’urgence peut se déposer. Les changements arrivent sans bruit. La pulsion dure moins longtemps. La honte perd de sa force. Le vide devient plus habitable.
Ce chemin demande de la patience. Le corps apprend lentement. Mais il apprend pour de vrai. Il y aura des retours en arrière, des moments de doute, des parties de toi qui voudront revenir à l’ancien connu. Ce n’est pas un échec. C’est un processus, un cheminement intérieur. Quand tu tombes, la question n’est pas pourquoi, mais qu’est-ce qui, en moi, n’a pas encore été soutenu.
Avec le temps, l’effort diminue. La lutte se relâche. La complétude n’apparaît pas comme un état magique. Elle se révèle comme une présence. Un espace intérieur où il n’y a rien à remplir, parce que tout est déjà là .
Tu ne manques pas de volonté. Ton corps a appris à survivre. Et aujourd’hui, il peut apprendre autre chose. Avec toi. Pas contre toi. La sécurité intérieure n’est pas un objectif. C’est une relation. Une relation tendre et respectueuse. Une relation amoureuse avec toi-même et avec la vie. Et elle commence maintenant.
Pratique somatique pour revenir à la sécurité
Installe-toi confortablement. Assis·e ou allongé·e.
Pose une main sur le ventre. Une main sur la poitrine.
Inspire lentement par le nez. Laisse le ventre se gonfler.
Expire par la bouche, plus longtemps que l’inspire. Comme si tu déposais un poids.
Répète plusieurs fois.
Puis demande-toi, sans chercher de réponse mentale. Qu’est-ce que mon corps essaie de protéger quand cette envie apparaît.
Observe les sensations. Sans corriger. Sans analyser.
Reste avec ce qui est lĂ maintenant.
C’est suffisant.
🇬🇧 English version
There are moments when you wonder what is wrong with you. Why you start again. Why you know it’s not good for you, yet you do it anyway. Why willpower is not enough.
It can take the form of emotional dependency, an attachment that hurts when the other person withdraws, a flight response when all you want is to get closer.
It can also show up as sugar, alcohol, work, screens, control, sex, exercise, substances, shopping, social media, food, or that inner restlessness that never lets you settle. The forms change. The movement is the same. Something inside you is trying to reassure itself, to calm down.
You try to control yourself, to do better, to be stronger, more aware, more disciplined. And yet something overflows.
This text is not here to teach you to stop. It is here to help you understand what, inside you, is seeking safety.
For a long time, I believed the problem was me. A lack of willpower. A lack of maturity. A lack of self-esteem. I could analyze, understand, put words to it. But my body continued to search for emotional crutches, quick exits, immediate relief, subtle anesthetics.
It was only when I stopped fighting these impulses that something began to shift. When I accepted listening to them, feeling them, meeting them in the body. That’s when Gestalt therapy, somatic work, and nervous system regulation stopped being ideas and became lived experience.
Addiction is not an excess. It is a response. An intelligent attempt by an organism trying to survive. The body does not operate on motivation. It operates on safety. And when that safety was not present enough early on, the body learns to cope alone. It does what it can.
Attachment wounds often play a central role. When love was too demanding, too invasive, or too absent, the nervous system stays on alert. It learns that connection can break. That closeness can disappear. That the other person is vital for feeling safe. Later, this can become emotional dependency. The other becomes a support, an external regulation, a promise of calm. When they move away, anxiety rises. Not from lack of love, but from lack of inner grounding.
Society taught us to believe this was a personal flaw. That if you can’t manage, it’s because you didn’t try hard enough. That if you get too attached, it’s because you’re fragile. This story is false. And it hurts.
When you had to adapt too early, when emotions were not welcomed, when you had to carry others’ shortcomings, the nervous system develops strategies. Food, work, screens, relationships, substances. These behaviors are not the problem. They were the solution found at the time to feel filled and safe.
The big misunderstanding is trying to remove the strategy before creating safety. It’s like taking away a crutch without healing the leg. Transformation does not come from stopping. It comes from the return of presence.
When an impulse arises, something activates in the nervous system even before you can think. Yet it is entirely possible to learn to regulate the nervous system. Rather than resisting, you learn to feel. The tension, the heat, the restlessness. You stay a few seconds longer than usual. Then you offer the body what it really seeks. Not a perfect solution. A micro-safety. Support. Grounding. A longer breath. Contact. An inner presence that says, I am here.
Gradually, the nervous system registers something different. It discovers it is no longer alone. That the adult self is present. That urgency can settle. Changes come quietly. The impulse lasts less. Shame loses its power. The emptiness becomes more habitable.
This path requires patience. The body learns slowly. But it learns for real. There will be setbacks, moments of doubt, parts of you wanting to return to the familiar. This is not failure. It is a process, an inner journey. When you fall, the question is not why, but what in me has not yet been supported.
Over time, effort decreases. The struggle eases. Wholeness does not appear as a magical state. It reveals itself as presence. An inner space where nothing needs to be filled because everything is already there.
You do not lack willpower. Your body has learned to survive. And today, it can learn something else. With you. Not against you.
Inner safety is not a goal. It is a relationship. A gentle and respectful relationship. A loving relationship with yourself and with life. And it begins now.
Somatic Practice to Return to Safety
Settle comfortably.
Sitting or lying down.
Place one hand on your belly.
One hand on your chest.
Inhale slowly through your nose.
Let your belly rise.
Exhale through your mouth, longer than the inhale.
As if letting go of a weight.
Repeat several times.
Then ask yourself, without seeking a mental answer:
What is my body trying to protect when this urge appears?Observe the sensations.
Without correcting.
Without analyzing.
Stay with what is here now.
It is enough.